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AI Act : en Europe, l’intelligence artificielle sera éthique

Ce vendredi 2 février, les États membres ont unanimement approuvé le AI Act ou Loi sur l’IA, après une procédure longue et mouvementée. En tant que tout premier cadre législatif international et contraignant sur l’IA, le texte fait beaucoup parler de lui.

La commercialisation de l’IA générative a apporté son lot d’inquiétudes, notamment en matière d’atteintes aux droits fondamentaux.

Ainsi, une course à la règlementation de l’IA, dont l’issue pourrait réajuster certains rapports de force, fait rage. Parfois critiquée pour son approche réglementaire peu propice à l’innovation, l’Union européenne est résolue à montrer l’exemple avec son AI Act. Le texte, dont certaines modalités de mise en œuvre restent encore à préciser, peut-il seulement s’imposer en tant que référence ?

 

L’intelligence artificielle, un enjeu économique, stratégique… et règlementaire

L’intelligence artificielle revêt un aspect stratégique de premier ordre. La technologie fait l’objet d’une compétition internationale effrénée dont les enjeux touchent aussi bien aux questions économiques que militaires et sociales, avec, bien sûr, des implications conséquentes en termes de puissance et de souveraineté. Dans un tel contexte, une nation qui passerait à côté de la révolution de l’IA se mettrait en grande difficulté.

Rapidement, la question de la réglementation de l’IA est devenue un sujet de préoccupation majeur pour les États. Et pour cause, les risques liés à l’IA, notamment en matière de vie privée, de pertes d’emplois, de concentration de la puissance de calcul et de captation de la recherche, sont considérables. Des inquiétudes dont les participants à l’édition 2024 du Forum économique mondial de Davos se sont d’ailleurs récemment fait l’écho.

En effet, bien que des régimes existants, comme les règles sur la protection des droits d’auteur, la protection des consommateurs, ou la sécurité des données personnelles concernent l’IA, il n’existe à ce jour pas de cadre juridique spécifique à la technologie en droit international. De plus, beaucoup de doutes subsistent quant à la façon dont les règles pertinentes déjà existantes s’appliqueraient en pratique. Face à l’urgence, plusieurs États se sont donc attelés à clarifier leurs propres réglementations, certains explorant la faisabilité d’un cadre réglementaire spécifiquement dédié à la technologie.

Dans la sphère domestique comme à l’international, les initiatives se succèdent pour dessiner les contours d’un cadre juridique pour l’IA. C’est dans ce contexte que l’Union européenne entend promouvoir sa vision de la règlementation articulée autour de règles contraignantes centrées sur la protection des droits fondamentaux.

 

Un risque de marginalisation potentiel

Le Plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle publié en 2018, et mis à jour en 2021, trace les grandes orientations de l’approche de l’Union européenne. Celui-ci vise à faire de l’Union européenne la pionnière des IA « légales », « éthiques » et « robustes » dans le monde, et introduit le concept d’« IA digne de confiance » ou trustworthy AI. Proposé en avril 2021 par la Commission européenne, le fameux AI Act est une étape décisive vers cet objectif.

L’IA Act classe les systèmes d’intelligence artificielle en fonction des risques associés à leur usage. Ainsi, l’étendue des obligations planant sur les fournisseurs de solutions d’IA est proportionnelle au risque d’atteinte aux droits fondamentaux. De par son caractère général, l’approche européenne se distingue de la plupart des approches existantes, qui, jusqu’alors, demeurent sectorielles.

Parmi les grands axes du texte figurent l’interdiction de certains usages comme l’utilisation de l’IA à des fins de manipulation de masse, et les systèmes d’IA permettant un crédit social. Les modèles dits « de fondation », des modèles particulièrement puissants pouvant servir une multitude d’applications, font l’objet d’une attention particulière. En fonction de leur taille, ces modèles pourraient être considérés à « haut risque, » une dénomination se traduisant par des obligations particulières en matière de transparence, de sécurité et de supervision humaine.

Certains États membres, dont la France, se sont montrés particulièrement réticents à l’égard des dispositions portant sur les modèles de fondation, y voyant un frein potentiel au développement de l’IA en Europe. Il faut dire que l’Union européenne fait pâle figure à côté des deux géants que sont les États-Unis et la Chine. Ses deux plus gros investisseurs en IA, la France et l’Allemagne, ne rassemblent qu’un dixième des investissements chinois. Bien qu’un compromis ait été obtenu, il est clair que la phase d’implémentation sera décisive pour juger de la bonne volonté des signataires.

À première vue, le AI Act semble donc tomber comme un cheveu sur la soupe. Il convient néanmoins de ne pas réduire la conversation au poncif selon lequel la règlementation nuirait à l’innovation.

 

L’ambition d’incarner un modèle

Le projet de règlementer l’IA n’est pas une anomalie, en témoigne la flopée d’initiatives en cours. En revanche, l’IA Act se démarque par son ambition.

À l’instar du RGPD, le AI Act procède de la volonté de l’Union européenne de proposer une alternative aux modèles américains et chinois. Ainsi, à l’heure où les cultures technologiques et réglementaires chinoises et américaines sont régulièrement présentées comme des extrêmes, le modèle prôné par l’Union européenne fait figure de troisième voie. Plusieurs organismes de l’industrie créative avaient d’ailleurs appelé les États membres à approuver le texte la veille du vote, alors que la réticence de Paris faisait planer le doute quant à son adoption. Cet appel n’est pas anodin et rejoint les voix de nombreux juristes et organismes indépendants.

Compte tenu des inquiétudes, il est clair que l’idée d’une IA éthique et respectueuse des droits fondamentaux est vendeuse, et serait un moyen de gagner la loyauté des consommateurs. Notons d’ailleurs que huit multinationales du digital se sont récemment engagées à suivre les recommandations de l’UNESCO en matière d’IA éthique.

L’initiative se démarque aussi par sa portée. Juridiquement, le AI Act a vocation à s’appliquer aux 27 États membres sans besoin de transposition en droit interne. Le texte aura des effets extraterritoriaux, c’est-à-dire que certains fournisseurs étrangers pourront quand même être soumis aux dispositions du règlement si leurs solutions ont vocation à être utilisées dans l’Union.

Politiquement, le AI Act est aussi un indicateur d’unité européenne, à l’heure où le projet de Convention pour l’IA du Conseil de l’Europe (qui englobe un plus grand nombre d’États) peine à avancer. Mais peut-on seulement parler de référence ? Le choix de centrer la règlementation de l’IA sur la protection des droits de l’Homme est louable, et distingue l’Union des autres acteurs. Elle en poussera sans doute certains à légiférer dans ce sens. Néanmoins, des ambiguïtés subsistent sur son application. Ainsi, pour que l’AI Act devienne une référence, l’Union européenne et ses membres doivent pleinement assumer la vision pour laquelle ils ont signé. Cela impliquera avant tout de ne pas céder trop de terrains aux industriels lors de son implémentation.

Gabriel Attal pourra-t-il vraiment gouverner ?

Invité sur TF1 pour sa première grande interview, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a promis « de l’action, de l’action, de l’action et des résultats ». À la tête d’un gouvernement « resserré » (14 ministres) qui comporte deux super ministères (le portefeuille de Bruno Le Maire intègre désormais l’énergie, Amélie Oudéa-Castéra a hérité de l’Éducation nationale et de la Jeunesse en plus des Sports et de l’organisation des Jeux Olympiques, Catherine Vautrin est à la fois ministre du Travail et de la Santé) le nouveau chef du gouvernement est attendu sur tous les fronts : simplification du droit du travail, rétablissement de l’ordre, rééquilibrage des comptes publics, organisation des Jeux Olympiques, baisse des impôts pour les classes moyennes… Un sujet semble être passé par la trappe du remaniement : celui du logement. Alors que la France traverse la plus grande crise immobilière de son histoire récente, ce portefeuille a été abandonné.

Ni la popularité médiatique du nouveau Premier ministre ni le vacarme qui a accompagné la nomination surprise de Rachida Dati au ministère de la Culture n’ont pu dissimuler les premiers couacs du gouvernement Attal. Au 20 heures de TF1, Gabriel Attal s’est en effet engagé à réaliser la promesse du président Macron de baisser les impôts de deux milliards d’euros pour les classes moyennes. Il lui faudra l’imposer au locataire de Bercy, qui avait annoncé préparer cet allégement fiscal au plus tôt « dès le budget 2025 ». Une deuxième dissonance est à prévoir au sujet du projet de loi sur la fin de vie, qui devait être proposé au Parlement au printemps. La nouvelle ministre de la Santé (qui est aussi ministre du Travail) avait en effet déclaré en 2004 que l’euthanasie active « relevait de démarches inacceptables », lorsqu’elle était secrétaire d’État aux personnes âgées. Rappelons que la Convention citoyenne sur la fin de vie s’était prononcée en faveur du suicide assisté en avril dernier.

Sans majorité au Parlement, le volontarisme affiché par le nouveau Premier ministre a deux issues : jouer à gouverner en maquillant une absence de marge de manœuvres par des coups de communication, ou gouverner par ordonnances et par un usage excessif du 49.3, au risque d’accroître les tensions sociales et de creuser la polarisation de l’échiquier politique.

Au mois de mars, la première ébauche de l’Acte II des réformes du travail sera discutée au Parlement. En 2016, la loi Travail avait réuni un million de manifestants à Paris. En 2018, la taxe carbone a donné naissance aux Gilets jaunes. La Primature de Gabriel Attal débute dans un contexte où les factures d’électricité pèsent encore lourdement sur les revenus des ménages et des entreprises. Comment réagirons les Français au durcissement des règles d’allocation des indemnités chômage et aux contreparties exigées aux bénéficiaires du RSA ?

Ne laissons pas Sylvie Brunel devenir la prochaine victime de la cancel culture des collapsologues français

#climat #agriculture Suite (et fin ?). Par « appréhension », la géographe Sylvie Brunel interviendra finalement en visio ce vendredi soir à @ChemilleenAnjou https://t.co/cAnvmG6NiI via @courrierouest

— Yves Boiteau (@YvesBoiteau1) November 24, 2023

Bien plus qu’un faits divers : la grande géographe Sylvie Brunel est en voie de cancellisation

Une lectrice de mon blog m’a mis sur la piste d’un – appelons-le ainsi pour le moment – fait divers. Mme Sylvie Brunel devait animer le vendredi 24 novembre 2023 une conférence-débat à Chemillé-en-Anjou (Maine-et-Loire) à l’invitation de la municipalité. Selon le site de la commune :

 

« Face aux nombreux défis qui se dressent devant nous dans notre monde contemporain : climat, énergie, migrations, eau, vivre ensemble, la commune de Chemillé-en-Anjou souhaite alimenter nos réflexions collectives. Elle organise pour cela une conférence-débat animée par Sylvie Brunel, géographe. Vous êtes tous invités à participer à cette soirée.

[…]

Convaincue que :

  • ces enjeux mondiaux sont l’affaire de tous, touchés que nous sommes dans notre quotidien,
  • c’est la mobilisation de tous qui permettra de construire des solutions à toutes les échelles,
  • le préalable à l’action est une bonne compréhension de la situation, des enjeux, des points de vue chacun,

la commune de Chemillé-en-Anjou vous invite à participer à une conférence débat organisée… »

 

Sylvie Brunel : la nouvelle cible des collapsologues et des décroissantistes

Mme Sylvie Brunel est une des grandes voix françaises de l’humanisme. Ancienne présidente de l’association Action contre la Faim, elle est une spécialiste de l’Afrique et des questions de développement et de famine. Elle est aussi une des (hélas rares) avocates de l’agriculture qui nous nourrit.

Son discours, solidement étayé, est aux antipodes de ceux qui ont pignon sur rue, des collapsologues, prêcheurs d’apocalypse et autres missionnaires de la décroissance, bref des défaitistes et capitulards face aux défis qui doivent être relevés.

Cela tombe bien pour cette faune et leurs adeptes : Mme Sylvie Brunel a aussi contribué à des écrits et tenu des propos qui ont été taxés de climatoscepticisme (qu’elle réfute aujourd’hui). Le très neutre et objectif (ironie) Wikipedia relève ainsi, par exemple :

« À plusieurs reprises, elle est contredite par des climatologues pour des positions jugées climatosceptiques. »

Et :

« En juin 2022, lors de la canicule qui frappe la France, Sylvie Brunel déclare que ces températures excessives, « c’est quand même le quotidien quand vous vivez à Dakar« . Ces propos sont qualifiés de climatosceptiques par plusieurs spécialistes dont Magali Reghezza, géographe spécialisée dans la vulnérabilité sociale aux changements environnementaux, qui contestent la légitimité scientifique de Sylvie Brunel. »

C’est aussi un horrible blasphème que d’écrire dans Le Monde, en 2019, que « Le changement climatique n’est pas forcément une mauvaise nouvelle » – dans un article bien plus subtil que ce que le titreur en a retenu – en faisant référence à notre histoire du climat, et des disettes et famines. C’est ici, incidemment, une occasion d’honorer la mémoire d’Emmanuel Le Roy Ladurie. Notons que madame Brunel est revenue sur cette tribune de 2019, expliquant qu’elle ne la signerait plus aujourd’hui.

 

Retour sur la tentative d’annulation de la conférence de Sylvie Brunel par un collectif 

Et donc une pétition a circulé pour s’opposer à la venue de Mme Sylvie Brunel, à l’initiative de Raphael Traineau, conseiller municipal de Chemillé-en-Anjou.

« Il est inconcevable de laisser une tribune à une telle personne qui utilise sa notoriété médiatique pour diffuser de fausses informations auprès de personnes non initiées aux sujets scientifiques, y compris des citoyens et élus de bonne foi. De plus, cette conférence doit se tenir sans contradicteur, ce qui, dans ces conditions, va à l’encontre de toute démarche d’information sérieuse. 

Hé bien voilà ! La liberté d’expression à la mode activiste de l’écologisme politique…

La presse rapporte que parmi les initiateurs figurent des élus locaux. Nous avons aussi trouvé sur X (anciennement Twitter) deux incitations à signer la pétition, dont une d’un directeur de recherche du CNRS et élu municipal EELV d’Angers. La liberté d’expression, les principes fondamentaux de notre démocratie, vous dis-je…

Ah oui, sans contradicteurs selon la pétition ?

Citons-la à nouveau : 

« Dans ces conditions, nous demandons à la mairie de Chemillé-en-Anjou d’annuler la conférence de Sylvie Brunel. Dans le cas où elle serait maintenue, nous n’y assisterons pas afin de ne pas apporter de crédit à cette entreprise climatosceptique. »

Ce qui a été organisé était pourtant une… « conférence-débat » ! On pourra entendre la réaction du maire de Chemillé-sur-Anjou ici sur YouTube, à partir de la minute 28.

Mme Sylvie Brunel avait aussi expliqué :

« Ma conférence porte sur les risques qui nous menacent et les réponses qu’il faut leur apporter, en mobilisant tous les acteurs et à toutes les échelles. Cette conférence ne remettra absolument pas en question les périls climatiques. »

Il faut croire qu’il n’y a pas eu qu’une pétition. Par « appréhension », Mme Sylvie Brunel a décidé d’intervenir en visio… Mais à l’heure où nous écrivons, nous ne savons pas si la conférence-débat a eu lieu.

#climat #agriculture A @ChemilleenAnjou en #MaineetLoire, une pétition s’est élevée contre la venue ce vendredi pour une conférence-débat de la géographe Sylvie Brunel, jugée « climatosceptique ». Ses initiateurs s’expliquent… 1/2⤵ https://t.co/LqfJzXd7OG via @courrierouest

— Yves Boiteau (@YvesBoiteau1) November 23, 2023


Que faut-il comprendre par « appréhension » ? Ouest-France n’en a pas dit plus. Ce n’était certainement pas l’appréhension de devoir affronter une horde de contradicteurs…

 

Ne laissons pas le dernier mot aux décroissantistes et aux terroristes intellectuels

On peut fort bien comprendre que, tout compte fait, cet événement n’est pas un simple fait divers, mais une atteinte grave aux fondamentaux de notre démocratie. Ou d’un avant-goût des chasses aux mal-pensants qui se produiront si, d’aventure, un groupe transpartisan de députés (hors RN et LR) parvenait à produire et faire passer une proposition de loi sur « la responsabilité des médias dans le traitement des enjeux environnementaux et de durabilité ».

Impôt sur le capital en Europe : la route de la servitude fiscale

Une « étude » du groupe écologiste du Parlement européen propose un impôt sur le capital de l’ensemble des 27 pays de l’Union d’un niveau de 0,5 % des actifs des personnes les plus riches.

Selon les chiffres complètement farfelus de cette œuvre des plus majeures depuis Das Kapital, cet impôt rapporterait 213 milliards d’euros par an de recettes fiscales.

 

Maths modernes

Comme à l’accoutumée, ce genre d’exercice saugrenu fait appel aux élucubrations des trois habituels compères Gabriel Zucman, Emmanuel Saez et Thomas Piketty qui feignent d’ignorer que l’impôt sur les grandes fortunes (IGF), l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) sont des avatars complètement idiots dont les recettes sont plus faibles que les pertes économiques qu’ils ont engendrées au fil des années.

Les estimations de recettes fiscales sont simplement bizarres. Selon les auteurs, ce futur impôt rapporterait par exemple la somme complètement improbable de 65 milliards d’euros en Allemagne, et de 46 milliards d’euros en France.

Pourtant, jamais dans l’histoire de l’impôt allemand sur la fortune, il n’a rapporté de telles sommes.

Pareillement, l’IGF et l’ISF français peinaient à rapporter seulement un cinquième de ces montants avec, pourtant, des taux largement supérieurs.

À moins de mettre à contribution non seulement les très riches, mais également les classes moyennes, il n’y a aucune chance de lever de telles sommes.

 

Effet Laffer

De plus, tout ceci fait fi de l’effet Laffer, à savoir de la forte désincitation de certaines formes d’imposition sur l’activité humaine, qui conduisent parfois à faire des pertes de recettes lorsque l’on augmente les impôts.

Comme nous l’avions vu dans les pages de Contrepoints (ici et ), les différents impôts sur le capital sont certainement les pires moyens de remplir les caisses publiques.

En effet, parce que le capital est à la source de la création de richesses, et que c’est son accumulation qui permet la croissance économique, l’imposition du capital, sous toutes ses formes et par tous les moyens, réduit les recettes fiscales de tous les autres impôts, simplement parce que, sans capital, il n’y a pas de salaires, et donc pas de recettes fiscales sur ces derniers.

En utilisant les chiffres de Bercy, le groupe Coe-Rexecode avait calculé que la perte annuelle de PIB due à l’ISF s’élevait à 45 milliards d’euros au moment de sa suppression (ici).

Mais le PIB n’est jamais que la somme de toutes les productions du pays. S’il vient à manquer 45 milliards de PIB, n’en déplaisent à nos écologistes européens, il vient à manquer 45 milliards de revenus taxables par la TVA, les charges sociales, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, etc.

Comme la pression fiscale moyenne sur le PIB est d’environ 50 %, lorsque l’on perd 45 milliards de PIB en levant 9 milliards au titre de l’ISF, on perd en fait 20 à 25 milliards de recettes sur tous les autres impôts.

Dit plus simplement, l’effet Laffer est tel que chaque euro d’ISF levé entraînait environ 10 euros de perte de PIB et 5 euros de pertes de recettes fiscales.

 

Incitations perverses

L’impôt proposé par nos marxistes en herbe porterait sur l’ensemble de tous les actifs comme l’immobilier, les dépôts bancaires, mais aussi les parts d’entreprises et les œuvres d’art.

S’il faut inventer un moyen de faire fuir toutes les œuvres d’art aujourd’hui en Europe vers les États-Unis, la Suisse, le Japon et la Chine, voici un merveilleux expédient qui dépasse les destructions culturelles obtenues par le troisième Reich.

Quant à elle, l’idée de taxer les parts d’entreprises détenues par les entrepreneurs ne peut être née que dans les esprits brumeux de gens qui n’ont jamais créé une firme et ses emplois concomitants.

L’Europe manque déjà cruellement non seulement de capital, mais également de capitalistes. Il est choquant de constater que ce continent à la très vaste population éduquée n’a absolument aucune entreprise technologique parmi les dix premières du monde :

 

Rang Entreprise Code Capitalisation Pays
1 Apple AAPL  $             2,695  USA
2 Microsoft MSFT  $             2,328  USA
3 Alphabet (Google) GOOG  $             1,673  USA
4 Amazon AMZN  $             1,286  USA
5 NVIDIA NVDA  $             1,074  USA
6 Tesla TSLA  $                782  USA
7 Meta Facebook META  $                774  USA
8 TSMC TSM  $                443  Taïwan
9 Tencent TCEHY  $                368  China
10 Samsung 005930.KS  $                329  Corée

 

À moins de conclure que les Américains et les Asiatiques seraient plus aptes à l’apprentissage des mathématiques, de la physique, et de l’informatique – ce qui est faux au regard du nombre de thèses défendues en Europe – comment peut-on raisonnablement expliquer pourquoi l’Europe ne participe pas à ces 11 753 milliards de dollars de capital des dix premières entreprises technologiques au monde ?

 

Déficit d’entrepreneurs

La réponse à cette question est qu’il manque à l’Europe des dizaines de « super-entrepreneurs », ces personnes comme Bill Gates, Elon Musk et Mark Zuckerberg.

Selon un article de City Journal, l’Europe ne compte que 0,8 super-entrepreneur par million d’habitants, contre 0,9 par million en Chine et 3,1 par million aux États-Unis.

L’Europe manque aussi de femmes entrepreneurs.

Dans le monde, un entrepreneur milliardaire sur vingt est une femme. En Chine, 71 femmes ont accumulé des fortunes d’un milliard de dollars ou plus grâce à l’entrepreneuriat. Les États-Unis comptent 28 femmes super-entrepreneurs.

L’Europe n’en compte que huit.

Dans les systèmes économiques européens, les secteurs à prédominance féminine tels que l’éducation, la santé et les soins aux personnes âgées sont limités par les oligopoles, les monopoles publics et les réglementations en tout genre, réduisant ainsi les opportunités d’entrepreneuriat à fort impact.

En revanche, les États-Unis, ainsi que les économies asiatiques comme celle de la Chine, sont plus ouvertes à l’entrepreneuriat dans les domaines de la santé et de l’éducation, ce qui explique en partie pourquoi l’Europe, prétendument égalitaire, est si loin derrière à cet égard.

 

Des recettes fiscales, pourquoi faire ?

Prendre chaque année 213 milliards d’euros aux « riches » européens – c’est-à-dire à ces nombreux entrepreneurs dont le continent manque tellement – est donc une idée absolument idiote si l’on veut créer les entreprises innovantes de demain avec les hauts salaires qu’elles versent.

Et là se pose la question habituelle : des recettes fiscales, pourquoi faire ? Pourquoi prendre de l’argent à un futur Elon Musk européen et le donner à un ponctionnaire de Bruxelles ?

Qui pense une seconde que des individus comme Gabriel Zucman, Emmanuel Saez et Thomas Piketty feraient un meilleur usage de 213 milliards que Bill Gates, Jeff Bezos et Jensen Huang ?

Même sans tenir compte d’aucun effet micro-économique désincitatif de l’impôt, il est évident que la substitution de 213 milliards d’euros de son usage en capital vers des dépenses publiques – souvent des gabegies sans équivalent privé – n’est pas du tout un moyen de faire croître l’économie européenne.

 

Détachée de la réalité

En plus d’être envieuse du fruit des vertus de ceux qui réussissent, cette idée d’impôt européen sur le capital est donc complètement détachée de la réalité.

En plus d’être économiquement dangereuse et politiquement populiste, elle présente également l’inconvénient majeur d’augmenter la distance entre l’électeur et l’impôt.

Un électeur de Clochemerle peut se plaindre de son impôt sur le capital – les taxes foncières – à son maire qu’il croise tous les jours.

Un électeur français n’a aucune chance d’influencer ni son député, ni son président sur les questions de l’IGF, de l’ISF ou de l’IFI, qui sont décidées à huis clos par quelques oligarques de l’inspection des finances, souvent sans même l’aval de leur ministre.

Il est bien évident qu’un impôt européen – ou mondial dans le vieux rêve de George Soros – serait absolument permanent, arbitraire et inique sans que l’électeur n’ait individuellement aucune chance de changer quoi que ce soit.

Ce qui est, hélas, le but de tous ces gens qui se prétendent « démocrates ».

Les jeunes sont-ils vraiment en colère contre la machine ?

Il existe une vision romantique selon laquelle les mouvements de jeunes de gauche représentent la vague de l’avenir et le « bon côté de l’histoire ».

Le jeune idéaliste stéréotypé est supposé être un radical de gauche qui soutient des mouvements tels que Black Lives Matter, et des causes telles que le New Deal vert et le socialisme. Les opinions des jeunes sont généralement considérées comme représentées par des figures telles que l’anticapitaliste Greta Thunberg ou la jeune députée socialiste Alexandria Ocasio-Cortez.

Selon une enquête menée par The Institute of Economic Affairs, 67 % des jeunes déclarent qu’ils aimeraient vivre dans un système économique socialiste, et 75 % sont d’accord avec l’idée que « le socialisme est une bonne idée, mais il a échoué dans le passé parce qu’il a été mal fait. »

Il est clair que le capitalisme et les valeurs traditionnelles sont fortement stigmatisés au sein de la génération Z. En tant que jeune moi-même, je me suis sentie isolée de mes pairs lorsque je me suis opposée au socialisme et au progressisme. Nombre de mes amis ayant des opinions similaires aux miennes ressentent le besoin de s’autocensurer pour s’intégrer.

Le socialisme et le gauchisme sont sans aucun doute populaires auprès de ma génération. Mais il convient de se demander si ces idéologies sont nées organiquement d’un nouveau regard sur les injustices du monde et de la volonté de se rebeller contre un système oppressif, ou s’il existe une autre explication à la popularité de ces croyances.

 

Rebelle à la cause

Une tendance peut nous aider à répondre à cette question. Si les jeunes sont souvent en colère face aux problèmes de leur époque, les solutions qu’ils préconisent sont souvent plus proches de ce qui a causé le problème en premier lieu.

La crise du logement en Grande-Bretagne en est un bon exemple.

Les jeunes considèrent aujourd’hui l’accession à la propriété comme un rêve irréaliste, car les prix de l’immobilier au Royaume-Uni ont explosé au cours des dernières décennies. Selon le sondage de l’IEA, 78 % des jeunes attribuent la crise au capitalisme et pensent que la solution passe par une intervention gouvernementale à grande échelle, par le biais de mesures telles que le contrôle des loyers et les logements sociaux. Cependant, ils ne reconnaissent pas que la raison pour laquelle les logements sont si chers est qu’il y a une pénurie de logements due aux restrictions gouvernementales en matière de construction.

Une erreur d’attribution similaire a caractérisé le mouvement Occupy en 2011, qui était une réponse à la Grande Récession de 2008. Les jeunes manifestants réclamaient davantage de réglementation gouvernementale pour Wall Street, avec le cri de ralliement « nous sommes les 99 % ». Cependant, la réalité est que c’est l’ingérence du gouvernement dans le système financier qui a provoqué la récession.

Le fait que les jeunes recherchent des solutions qui ne feraient qu’exacerber le problème n’est pas nouveau.

Comme le décrit l’économiste Ludwig von Mises dans son livre Bureaucratie, la montée du mouvement de jeunesse en Allemagne avant la Première Guerre mondiale était une réaction au manque d’opportunités offert par le régime bureaucratique. Cependant, le mouvement de la jeunesse n’a pas saisi clairement le problème et a voulu étendre le système plutôt que de le combattre.

« Le mouvement de jeunesse était l’expression du malaise que les jeunes ressentaient face aux sombres perspectives que leur offrait la tendance générale à l’enrégimentation. Mais il s’agissait d’une fausse rébellion vouée à l’échec parce qu’elle n’osait pas lutter sérieusement contre la menace croissante d’un contrôle total et d’un totalitarisme de la part du gouvernement. Les émeutiers tumultueux en puissance étaient impuissants parce qu’ils étaient sous l’emprise des superstitions totalitaires. Ils se sont livrés à des bavardages séditieux et ont chanté des chansons incendiaires, mais ils voulaient avant tout des emplois gouvernementaux ».

À maintes reprises, nous constatons que les mouvements de jeunesse censés combattre l’homme lui donnent en réalité du pouvoir.

 

Radicalement non radical

Et ce n’est pas une coïncidence. La plupart du temps, les jeunes promeuvent le système par inadvertance, parce que c’est le système lui-même qui les manipule.

Les mouvements modernes défendus par les jeunes d’aujourd’hui sont présentés comme anti-establishment et populaires. Pourtant, ces mêmes groupes qui contestent l' »oppression » sont soutenus par les médias grand public, le gouvernement et les grandes entreprises.

Alors que les gauchistes prétendent lutter contre le système en défendant Black Lives Matter, le système soutient littéralement leur cause, comme le montrent les rencontres entre les dirigeants de BLM et les représentants de Biden. On le voit également à travers la tentative de présenter l’idéologie transgenre comme une opinion anti-establishment. Cependant, l’empereur n’est pas habillé quand on considère que la Maison Blanche a montré son allégeance au mouvement LGBT en faisant flotter le drapeau de la fierté progressiste à côté du drapeau américain.

Les mouvements de jeunesse qui renforcent le système aujourd’hui, plutôt que de se rebeller contre lui, sont comparables à la façon dont les jeunes ont joué un rôle fondamental dans la révolution culturelle de Mao. Le régime encourageait les étudiants à se rebeller et à faire des descentes dans les maisons des ennemis de classe et à les stigmatiser en tant que parias.

Comme l’a écrit l’historien Frank Dikötter dans son livre The Cultural Revolution : A People’s History, 1962-1976, Mao estimait que « la naïveté et l’ignorance des jeunes étaient des vertus positives », car elles les rendaient plus manipulables.

 

Une autre brique dans le mur

En outre, les causes qui sont défendues en tant que « mouvements de jeunesse » ne sont souvent que des mouvements défendus par des enseignants et imposés à leurs élèves.

La page Twitter Libs of TikTok montre comment la théorie radicale du genre a été promue dans l’éducation par des enseignants radicaux de gauche aux États-Unis. De même, au Royaume-Uni, une vidéo est devenue populaire en ligne, montrant un enseignant qualifiant un élève de « méprisable » en raison de son manque de respect pour l’identité de genre d’un autre élève qui s’identifiait comme un chat.

La théorie du genre a également reçu un soutien institutionnel au Royaume-Uni, où des organisations à but non lucratif telles que Stonewall et Mermaids ont fourni des ressources et des cours sur le genre aux écoles du pays. Faut-il s’étonner que tant de jeunes s’alignent sur les opinions gauchistes, alors que ces opinions sont largement promues dans notre système éducatif, et qu’on leur dit qu’ils sont mauvais s’ils ne sont tout simplement pas d’accord ?

Murray Rothbard, dans The Progressive Era, explique comment les jeunes ont défendu la cause de la prohibition, en partie grâce à la promotion de cette cause dans le système d’éducation publique :

« Les jeunes devenaient davantage piétistes et militants prohibitionnistes que leurs aînés. Les jeunes piétistes nourrissaient une haine profonde pour les saloons, exprimée par les sociétés chrétiennes de jeunes gens et les programmes interconfessionnels de l’école du dimanche. La W.C.T.U. [Woman’s Christian Temperance Union], en partie grâce à ses cours d’hygiène très réussis dans les écoles publiques, a pu enrôler 200 000 jeunes dans son organisation affiliée, la Loyal Temperance Legion ».

 

Les vrais rebelles

Cependant, il y a également eu d’authentiques mouvements de jeunesse pour des causes véritablement nobles.

Les Pères fondateurs américains, qui avaient pour la plupart moins de quarante ans lorsqu’ils ont participé à la guerre d’Indépendance, en sont un exemple notable. Comme l’indique la comédie musicale, Hamilton était encore un jeune adulte lorsqu’il a participé à la bataille pour l’indépendance. La raison pour laquelle la jeune révolution libertaire qui a libéré l’Amérique et l’Occident était en fait « du bon côté de l’histoire » est qu’elle était basée sur de bonnes idées, et qu’elle n’était pas conduite par des tyrans pour leurs propres intérêts.

Donc, si vous êtes un jeune qui n’adhère pas aux mouvements à la mode, ne vous sentez pas mal, car ces mouvements ne sont pas toujours du « bon côté de l’histoire ». Si les mouvements de jeunesse sont souvent perçus avec des lunettes teintées de rose, la réalité est que les jeunes ont souvent été du côté des mouvements promouvant un grand gouvernement et limitant la liberté. Mais ce n’est pas de la rébellion. Les vrais rebelles sont ceux qui luttent contre la tyrannie, pas ceux qui la soutiennent.

Sur le web

Sonde Chandralayann 3 sur la Lune : victoire des Indiens

Ce 23 août, à l’heure prévue, 14 h 34 (heure suisse), l’atterrisseur Vikram de la mission Chandrayaan 3 s’est posé en douceur et sans problème sur la Lune. Il porte un rover, Pragyan.

Ces deux équipements sont assistés par un orbiteur (également module de propulsion pour la dernière partie du vol Terre-Lune) qui leur sert de relai de télécommunication. La masse totale de la mission est de 3,9 tonnes, dont 2,15 tonnes pour le module de propulsion/orbiteur et 1,75 tonne pour l’atterrisseur et le rover (avec les ergols nécessaires aux équipements).

Comme prévu, le site d’atterrissage est situé dans l’hémisphère Sud, non pas « au pôle Sud », objectif des Chinois et des Américains, comme on le dit abusivement, mais quand même à une latitude haute (69,3°S). Il ne s’est pas non plus posé sur la face cachée de la Lune comme certains commentateurs l’ont dit, mais par une longitude 32°E (le méridien lunaire est fixé comme étant l’arc de cercle le plus exactement face à la Terre).

Mais ce n’est pas cela l’important. Ce qui est important, c’est d’être sur la Lune, et fonctionnel, et Chandrayaan 3 y est bel et bien. L’amplitude de l’ère d’atterrissage était un rectangle de 55 x 11 km, ce qui permettait un ajustement de dernière minute. On a vu d’ailleurs l’atterrisseur, choisir l’endroit le plus favorable en gardant plusieurs secondes son altitude juste avant de se poser (150 mètres).

Le rover est un petit engin de 26 kg (Perseverance ou Curiosity ont une masse de 1 tonne). Il fait penser au Sojourner de la mission américaine Mars Pathfinder de 1997.

La mission doit durer 14 jours, la durée d’un jour lunaire, car ni l’atterrisseur ni le rover ne sont équipés pour résister au froid de la nuit lunaire, les panneaux solaires ne fournissant que l’énergie nécessaire à la mobilité du rover et au fonctionnement des instruments.

L’objet principal de la mission était principalement la démonstration de la capacité à se poser en douceur au sol. Il est donc atteint. Maintenant, le rover va pouvoir rouler un peu sur le sol, recueillir quelques données et prendre quelques mesures puisqu’il est équipé d’une caméra, d’un sismomètre, d’un appareil pouvant prendre la température et la conductivité thermique à 10 cm sous la surface (ce qui donnera des indications précieuses sur les propriétés du régolithe), d’une sonde de Langmuir pour mesurer la densité du plasma présent dans la couche de l’exosphère proche de la surface.

Rappelons que le décollage de la fusée porteuse de la mission a eu lieu le 14 juillet de la base spatiale de Satish-Dhawan (13° N, près de Sriharikota dans le Tamil Nadu, côte sud-est de l’Inde). Le lanceur était indien, un LVM3 (Launch Vehicle Mark 3) de l’agence spatiale ISRO, dont le premier vol avait eu lieu en 2014 (décision prise en 2002), et qui est peu souvent utilisé. Il peut placer 8 tonnes en orbite basse terrestre (LEO) et 4,5 tonnes en orbite géostationnaire (GSO). C’est donc un petit lanceur (masse au décollage 640 tonnes, hauteur 43 mètres) relativement peu puissant (cf Falcon 9 : 22,8 tonnes en LEO et 8,3 tonnes GSO). Le premier étage est assisté de deux boosters qui utilisent un propergol solide (à base de polybutadiène hydroxytéléchélique, PBHT) tandis que lui-même utilise un tétroxyde d’azote brulant dans du diméthylhydrazine (UDMH). L’étage supérieur brûle de l’hydrogène dans de l’oxygène.

Le voyage a été long car la masse d’ergols embarquée était limitée par la masse utile embarquée, et donc l’impulsion de l’orbite de parking terrestre vers la Lune, mimimum. Il s’est bien passé, avec cinq ajustements de trajectoires normaux. Après avoir stationné sur une orbite de parking à 100 km d’altitude, la sonde est descendue jusqu’à une autre orbite de pré-atterrissage de 30 km (les Russes avaient choisi 12 km). La descente finale, entièrement propulsée, puisque la Lune n’a pratiquement pas d’atmosphère, s’est alors déroulée en exactement quinze minutes, comme prévu.

On parle d’un coût de 75 millions de dollars pour la totalité de la mission.

Ce montant n’a pas grande signification en soi car il faudrait savoir ce qu’il inclut. Comment par exemple a été fixé le prix du lanceur utilisé ? De toute façon, l’ensemble des équipements et des services utilisés sont Made in India, ce qui permet effectivement des coûts très bas. En tout cas, ce sera une bonne publicité pour la commercialisation du lanceur auprès d’autres utilisateurs, notamment dans les pays en voie de développement.

Chandrayaan 3 est un remake de Chandrayaan 2 qui s’est écrasé sur la Lune en 2019. C’est une belle revanche sur cet échec, ainsi qu’une magnifique démonstration des capacités ingénieuriales de l’Inde, surtout deux jours après l’échec des Russes pionniers de la conquête spatiale. Dans ce contexte, l’atterrissage de Chandrayaan 3 est une grande fierté pour l’Inde (le Premier ministre Mahendra Modi y a assisté depuis l’Afrique du Sud où il était en visite), et sans doute une revanche sur l’humiliation toujours ressentie par les Indiens pour la période coloniale.

Encore une fois, déplorons que l’Europe ne soit pas capable d’avoir son autonomie dans l’espace, de pouvoir mener ses propres expériences et sa propre exploration lunaire. C’est un choix. Dans les sphères décisionnelles de notre vieux Continent, terre des Sciences, on considère toujours l’Espace comme d’autres considéraient jadis le Canada (les quelques arpents de neige) !

Lien :

https://www.space.com/india-chandrayaan-3-moon-landing-livestream?utm_source=notification

https://en.wikipedia.org/wiki/Chandrayaan-3

Pourquoi l’interdiction des réseaux sociaux pour les jeunes est une mauvaise idée

Par Kerry McDonald.

 

Un soir, un adolescent parcourt son compte Instagram. Il remarque qu’un de ses amis a publié un message angoissant faisant état d’une dépression et de pensées suicidaires. Le garçon tente de rassurer son ami par des commentaires en ligne, mais il est inquiet. Il en parle à son père qui contacte le père reconnaissant de l’enfant dépressif. La situation est réglée et la santé mentale de l’enfant s’améliore.

Dans cet exemple, le garçon qui s’inquiétait de la santé mentale de son ami a pu demander l’aide de son parent parce qu’il était librement autorisé à utiliser les médias sociaux. S’il lui avait été interdit d’utiliser Instagram ou une application similaire, que ce soit par ses parents ou par l’État, la situation aurait pu se terminer tout à fait différemment.

Le garçon inquiet, par exemple, aurait peut-être été moins enclin à annoncer à son père qu’un de ses amis pouvait être suicidaire, de peur d’avoir des ennuis pour avoir utilisé une plateforme de médias sociaux interdite. Il pourrait craindre que son ami ait lui aussi des ennuis. Le père de l’ami n’aurait alors pas été prévenu et l’ami n’aurait peut-être pas reçu le soutien dont il avait besoin.

Comme la plupart des interdictions, non seulement elles ne fonctionnent pas, mais elles peuvent également rendre l’utilisation continue d’un produit interdit moins sûre.

De plus en plus de voix s’élèvent pour interdire l’utilisation des médias sociaux par les jeunes, arguant qu’ils nuisent à la santé mentale et au bien-être général des enfants. La semaine dernière, cet effort est passé de la persuasion parentale à la force gouvernementale lorsque le gouverneur de l’Utah a signé deux projets de loi qui exigent le consentement parental pour l’utilisation des médias sociaux par les enfants de moins de 18 ans et interdisent à ces derniers d’accéder aux médias sociaux entre 22 h 30 et 6 h 30 du matin.

Plutôt que d’empêcher l’utilisation des médias sociaux par les enfants et les adolescents, ces nouvelles lois de l’Utah les amèneront à utiliser les médias sociaux de manière plus clandestine et moins sûre.

 

Dangereuses prohibitions

Il en va de même pour les interdictions en général. Par exemple, l’interdiction des drogues n’a pas mis fin à leur consommation, mais elle les a rendues plus puissantes et plus mortelles.

Il en a été de même avec la prohibition des ventes d’alcool qui a débuté en 1919 avec l’adoption du XVIIIe amendement de la Constitution américaine. La consommation d’alcool est restée élevée tout au long de la période de prohibition, alors que les bars clandestins et les bootleggers faisaient leur apparition dans tout le pays. La consommation d’alcool est également devenue plus dangereuse en raison de sa composante criminelle, et le contenu de l’alcool est devenu moins transparent et, parfois plus mortel.

La série de films Prohibition de Ken Burns et Lynn Novick, diffusée sur PBS, a mis en lumière les nombreuses conséquences involontaires de l’interdiction de l’alcool à l’époque de la prohibition, qui s’est achevée en 1933 avec l’abrogation du XVIIIe amendement. L’une de ces conséquences est que des milliers d’Américains sont morts pendant cette période à cause de la consommation d’alcool frelaté.

Comme l’a écrit Jon Miltimore, rédacteur en chef de la FEE, certains de ces décès ont été infligés intentionnellement à des innocents par des fonctionnaires du gouvernement fédéral qui empoisonnaient l’alcool pour encourager le respect des lois de la prohibition.

Selon l’historien Michael Lerner :

« La plus grande conséquence imprévue de la prohibition a cependant été la plus évidente à voir. Pendant plus d’une décennie, la loi censée encourager la tempérance a au contraire favorisé l’intempérance et l’excès. La solution imaginée par les États-Unis pour résoudre le problème de l’abus d’alcool n’a fait qu’aggraver le problème. Les statistiques de l’époque sont notoirement peu fiables, mais il est très clair que dans de nombreuses régions des États-Unis, de plus en plus de gens buvaient, et de plus en plus ».

 

Responsabilité parentale

Les interdictions de certains comportements humains, qu’il s’agisse de la vente d’alcool dans les années 1920 ou de l’utilisation des médias sociaux par les jeunes dans les années 2020, ne fonctionnent pas et, souvent, ne font qu’aggraver le problème.

Les parents ont le droit de décider des règles et des lignes directrices en matière de médias sociaux pour leurs enfants, même si je les invite à éviter les interdictions et à encourager plutôt le dialogue.

En revanche, l’État n’a pas le droit d’usurper ces droits individuels en interdisant des outils technologiques ou en exigeant certains contrôles parentaux. Il s’agit là de la « présomption fatale » que Friedrich Hayek, lauréat du prix Nobel d’économie, a expliqué en décrivant l’orgueil des planificateurs centraux qui croient que « l’homme est capable de façonner le monde qui l’entoure selon ses désirs », souvent avec des conséquences inattendues. Les familles devraient être libres de prendre leurs propres décisions en matière de technologie et de médias sociaux, sans ingérence gouvernementale.

La détérioration de la santé mentale des jeunes est un problème grave, et il existe des solutions valables à envisager. L’interdiction des médias sociaux ne devrait pas en faire partie.

 

Sur le web

Les fusions communales : une méthode anachronique et autoritaire de la gestion des territoires

Jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il était commun de décréter qu’une terre et ses habitants étaient soudainement soumis aux lois d’une autre nation. La belle ville ukrainienne de Lviv, patrimoine mondial de l’UNESCO, a été tour à tour une ville autrichienne, polonaise, russe et ukrainienne en moins de 100 ans, sans que jamais elle n’ait pu choisir son appartenance.

En France, il n’y a pas si longtemps, Alsaciens et Savoyards étaient une monnaie d’échange entre grandes puissances.

Aujourd’hui, cela nous choque. Nous estimons que les territoires et leurs habitants ne sont pas des choses à échanger ou à conquérir. Ils ont des droits, et notamment celui d’avoir leur mot à dire sur leur place au sein d’un système et d’une culture nationale. Cette conviction d’Ernest Renan est devenue bon sens d’aujourd’hui.

Pour autant, ce bon sens peine à s’appliquer au niveau infranational, particulièrement en France.

Récemment, les régions ont été redessinées par le pouvoir central, les intercommunalités ont été dans beaucoup de cas des mariages forcés entre communes réticentes. Bien qu’impopulaires, ces pratiques d’un autre temps restent toutefois tolérées parce qu’en tant que Français, les citoyens et résidents français ont des droits. Cela permet d’accepter qu’en tant, par exemple, qu’Auvergnats, Cantaliens ou Mauriacois, ils n’en ont aucun. Ils n’ont pas le droit de sauvegarder leurs frontières, de lever l’impôt, d’exercer les compétences qu’ils estiment utiles à leur développement, de choisir leurs propres règles de décision parce que, comme chacun le sait, en France, c’est l’État et seulement l’État qui dispose de telles compétences.

Mais la centralisation française est de plus en plus anachronique.

En Europe, les pays tendent à se décentraliser, et l’Union européenne elle-même prône le principe de subsidiarité qui permet aux territoires d’avoir davantage de droits, en prenant des décisions dans les domaines où il est plus efficace que ce soit eux qui les prennent.

Les études scientifiques dont ces principes s’inspirent soulignent également que dans les pays développés, l’autonomie des territoires est source d’efficience et de transparence. Elle a même des vertus en situation d’urgence, comme nous avons pu le voir pendant la pandémie de la covid. Enfin, les citoyens et les élus locaux – qui sont les représentants les plus populaires de France – ne cessent de demander plus d’autonomie.

Sous cette pression européenne, locale, mais aussi économique et scientifique, les lois de décentralisation se multiplient en France, mais produisent paradoxalement de moins en moins d’autonomie des territoires.

L’un des arguments pour limiter cette autonomie se base sur l’incapacité supposée des territoires à l’utiliser à bon escient. Les démarches récentes de quelques communes pour se défusionner en sont un bon exemple. Les lois de 2010, 2015 et 2019 sur les collectivités territoriales permettaient en effet aux communes de fusionner librement et sans contrainte en créant une commune nouvelle. 2536 communes ont ainsi fusionné, en créant ainsi 787 communes nouvelles plus grandes. Cette démarche pourtant volontaire n’a pas empêché de produire, à l’usage, du mécontentement, et les démarches se multiplient aujourd’hui pour défusionner. Ces faits pourraient plaider en faveur de l’idée que laisser les territoires choisir n’est pas une garantie pour avoir des choix avisés et plus légitimes aux yeux des populations. On pourrait ainsi mettre ces réactions sur le dos d’un caractère gaulois perpétuellement insatisfait, plutôt que sur la centralisation étouffante de notre pays.

Mais le détail de ce processus plaide bien pour la seconde interprétation.

Car tout d’abord, la première loi pour créer des communes nouvelles a été faite juste après la suppression de la taxe professionnelle. Il s’agissait de l’une des rares taxes reversées aux communes. Les communes se sont donc retrouvées plus dépendantes de l’enveloppe que l’État veut bien leur donner. Cette œuvre d’insécurisation fiscale des communes a été complétée en 2023 par la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale.

Dans ce contexte, la loi de 2010 établissait qu’une commune nouvelle pouvait se créer consensuellement, mais aussi par décision unilatérale du préfet. La menace, toutefois, des interventions préfectorales et des réductions budgétaires n’était manifestement pas suffisante puisque seulement 13 fusions ont été faites les quatre premières années. La loi de 2015 enfonça donc le clou : elle garantissait aux communes nouvelles un niveau stable de dotations de l’État, là où les autres n’avaient pas ces garanties. La crainte d’une baisse de dotation a donné lieu à un nombre de fusions beaucoup plus grand.

Mis bout à bout, le message des gouvernements successifs a été approximativement le suivant : chers conseillers municipaux, vos communes n’ont désormais plus d’entrées fiscales propres, et l’État doit faire des économies. Il sera obligé d’en faire, mais les communes qui fusionnent, en créant ainsi des économies d’échelle, auront la garantie de ne pas subir des coupes budgétaires pendant trois ans. Par ailleurs, le préfet peut aussi vous fusionner, mais sans les bénéfices liés à un fusionnement volontaire.  Y a-t-il des volontaires ?

Dans ces conditions, les fusions consensuelles ressemblent plutôt à des mariages forcés.

Supposons donc de proposer des politiques basées sur du vrai consentement et le respect des territoires et de ses habitants. Imaginons des politiques qui leur permettent de choisir leurs compétences, leurs taxes, leur limites territoriales. C’est ce qu’il s’appelle la subsidiarité ascendante. Pouvons-nous imaginer que des fusionnements auront lieu ?

Tout d’abord, avec le respect et l’autonomie, vient la responsabilité.

Les communes qui n’arriveront pas à se gérer efficacement seront tentées de s’annexer à celles qui, au contraire, auront fait les bons choix. Aussi, les perspectives économiques que peuvent se profiler dans certaines configurations de fusion, peuvent pousser des communes à fusionner. En effet, dans la mesure où elles peuvent vivre sur fonds propres, un choix efficace garantit une augmentation de revenu. En revanche, lorsqu’elles dépendent financièrement de l’État, aucun choix avisé ne garantit plus de fonds, en dehors de bonnes négociations avec l’État. Enfin, beaucoup de communes peuvent avoir des raisons purement culturelles de fusionner. Ces motivations peuvent être renforcées si les communes peuvent promouvoir leur propre culture et identité.

Mais après tout, si cela ne marche pas, est-ce grave ?

La France a un nombre record de communes, dont certaines très petites. Mais si ce modèle est rare, il n’est pas nécessairement inefficace pour autant. Si les communes étaient capables de se gérer elles-mêmes, elles nous donneraient la réponse. Peut-être quelques maires, responsables de choix catastrophiques, seront moins populaires qu’aujourd’hui. Mais à l’inverse, nos gouvernements et notre Parlement le seraient davantage, en n’étant désormais plus responsables des moindres difficultés que peut rencontrer chaque commune de notre beau pays.

Fifi : la magie émancipatrice d’une rencontre

*Film réalisé par Jeanne Aslan et Paul Saintillan avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire.
Sortie mercredi 16 juin 2023.

 

C’est le début des vacances d’été. Fifi habite chez sa mère un appartement HLM de la banlieue de Nancy.

La cohabitation avec son petit frère, ses sœurs, dont la plus grande a un bébé, et le compagnon de sa mère est mouvementée. Fifi, étonnamment mature pour ses 15 ans, semble échapper aux passions du quotidien qui animent cette joyeuse famille. Débrouillarde et pragmatique, elle participe à la vie domestique, à mi-chemin entre l’agacement et le détachement.

Lorsqu’elle rencontre une ancienne camarade de classe qui l’invite à prendre un verre dans sa belle maison, juste avant de partir en vacances, Fifi ne peut résister : elle subtilise un jeu de clefs en un geste quasi automatique, fait-précipice bretonnien.

Pensant pouvoir se réfugier dans le calme de cette harmonieuse maison d’architecte, Fifi n’avait pas prévu le retour de Stéphane, 23 ans, le fils de la famille.

S’ensuit une rencontre toute en subtilités entre ces deux personnages que ni leur âge ni leur milieu n’étaient censés rapprocher.

Au-delà de l’histoire et de son déroulé rohmérien, c’est le traitement de la question sociale qui est ici original et franchement rafraichissant. Loin de tomber dans les clichés du film social, les réalisateurs s’attachent à dépeindre des milieux certes différents, mais fonctionnels et attachants.

Pas d’ostentation de mépris ou d’indifférence chez les plus aisés ; eux aussi ont leurs lots de problèmes existentiels, tel l’ami de la famille de Stéphane qui essaye de prendre avec légèreté l’hostilité de sa fille adolescente. La culture leur est offerte, mais sont-ils à la hauteur de cette facilité ?

Chez les plus pauvres, pas de victimisation : la cité hlm n’est pas misérable, l’ascenseur fonctionne, l’appartement n’est pas petit, même s’il l’est trop pour la famille. Chacun participe aux combines qui permettent d’assurer le quotidien.

Le désir d’émancipation de Fifi ne ressemble en rien à de la jalousie. La justesse sociale sans le spectre vindicatif de la justice sociale ! Quel bonheur de se laisser porter par ce film à la mise en scène impeccable, aux dialogues soignés, porté par des acteurs remarquables. Fifi est interprétée par Céleste Brunnquell. Elle est ici un peu plus jeune que dans la série En thérapie et par Quentin Dolmaire qui jouait un assistant lunaire dans la série OVNI. Même les seconds rôles sont tous excellents.

Premier film d’un couple de réalisateurs plus tout jeunes qui, après des années de galère, ont enfin trouvé un producteur, Fifi a obtenu le premier prix, à l’unanimité du jury, dans la catégorie « nouveaux réalisateurs » au festival de San Sebastian.

Des livres de jeunesse pour parler de harcèlement scolaire

Par Eléonore Cartellier  et Sylvie Farré.

 

Un enfant qui perd le sourire, fait des cauchemars, a des colères plus fréquentes, devient susceptible, se plaint de douleurs inexpliquées… Un écolier, un collégien, un lycéen dont le niveau scolaire baisse, a une capacité d’attention diminuée, manifeste parfois une attitude provocante vis-à-vis de ses camarades. Ou, au contraire, s’isole. Voilà des signes qui peuvent alerter sur une situation de harcèlement et qu’il ne faut pas minimiser en tant que parent, enseignant ou professionnel de l’enfance.

Alors, comment lutter contre ce fléau qui touche un élève sur dix ? Comment sensibiliser les classes, prévenir les risques mais aussi prendre en charge les victimes, comme l’annexe de la loi du 8 juillet 2013 nous y invite ?

La littérature de jeunesse peut être un médium intéressant et précieux pour échanger et amener les jeunes à prendre conscience de faits perçus ou vécus. Albums, bandes dessinées et romans permettent de mettre des mots et des images sur ce qui se passe et développer de l’empathie pour les autres.

 

Du côté des albums

Le lien entre littérature de jeunesse et harcèlement scolaire est présent dès le premier titre qu’on peut rattacher au genre du roman scolaire, Tom Brown’s Schooldays, publié en 1857. Le personnage principal, envoyé en pensionnat pour ses années de collège et lycée, se confronte rapidement au harcèlement à travers la figure de Flashman qui tyrannise physiquement et émotionnellement les jeunes élèves.

Depuis ce temps, de nombreux romans scolaires et ouvrages jeunesse ont exploré ce sujet, aidant les jeunes lecteurs à prendre du recul et à exprimer leur propre vécu.

Dan Olweus, professeur de psychologie à l’université de Bergen, explique qu’un élève est victime de harcèlement lorsqu’il est « soumis de façon répétée et à long terme à des comportements agressifs visant à lui porter préjudice, le blesser ou le mettre en difficulté de la part d’un ou plusieurs élèves »

Tyranono.
Ed. La Bagnole

Un cas de figure qui structure par exemple l’album Tyranono de Gilles Chouinard. Dans la cour de récréation, un jeune théropode endure les moqueries, intimidations et bousculades à répétition de ses camarades. Il devient triste, incompris de ses parents et s’emmure dans le silence. Mais en deuxième partie, l’histoire bascule car, malgré les humiliations subies, le jeune tyrannosaure, n’écoutant que son courage, n’hésite pas à sauver celui qui le maltraite, au péril de sa vie. Tyran devient alors son ami et le sauve à son tour.

Ce récit porté par des couleurs vives et des personnages expressifs met bien en avant le ressenti des protagonistes. Il offre aux plus jeunes la possibilité de prendre conscience de ce processus de harcèlement qui s’amplifie parfois très vite. Il peut aussi aider la victime à trouver en lui la force, la solution pour que les choses s’arrêtent. Des séquences pédagogiques peuvent aussi être mises en place par les enseignant en grande section de maternelle autour de cet album.

éd. Didier Jeunesse

Autre lecture qui peut susciter la parole, cette fois avec des élèves de primaire : Rouge de Jan de Tinder, qui raconte l’histoire d’Arthur, un garçon timide qui rougit facilement. Cet album expose à la fois les faits mais aussi le ressenti de la narratrice, mettant bien en avant le rôle que joue souvent le leader de la classe que personne n’ose affronter.

L’auteur joue à la fois avec les techniques graphiques très nombreuses (fusain, aquarelle, papiers collés) mais aussi une palette de couleurs, réduite pour évoquer les émotions des personnages. Il utilise le hors cadre afin de stimuler l’imaginaire du lecteur mais également pour accentuer certains effets comme la méchanceté de Paul.

Rouge est un magnifique album qui s’adresse à la fois aux victimes, aux harceleurs mais aussi aux témoins, invitant chacun à réfléchir à ses paroles, ses actes et leurs conséquences.

 

BD et romans graphiques

Du côté des bandes dessinées, dans la collection des Max et Lili de Dominique de Saint Mars et Serge Bloch, le numéro 67 porte sur le harcèlement scolaire. Après avoir fait une bêtise en classe, Max se retrouve insulté, bousculé et exclu pendant les récréations. La solution au calvaire que vit Max arrive quand celui-ci en parle à sa sœur puis en classe grâce au « conseil » où tous les élèves discutent ensemble pour résoudre des conflits. Dans la série des Ariol d’Emmanuel Guibert et Marc Boutavant, on peut lire aussi L’affaire Pouyastruc, qui pose la question de l’intervention des parents.

Seule à la récré d’Ana Bloz et Noémya Grohan dépeint avec humour des situations compliquées avec la famille ainsi que l’institution scolaire qui peine à trouver une solution convenable et explicite le triangle victime-bourreau-témoin.

Jane le renard et moi.
Editions de La Pastèque

L’adolescence est une période de transition, de changements physiques, de mutation, où le passage de l’enfance vers l’âge adulte n’est pas sans complexité et vécu de façon différente par chacun. S’accepter, se retrouver, reconnaître l’autre dans sa différence, autant de questions que nous invite à nous poser un très beau roman graphique : Jane le renard et moi d’Isabelle Arsenault et Fanny Britt.

Accessible dès le CM2, l’ouvrage met en scène l’histoire d’Hélène, une jeune fille qui subit les insultes et les moqueries, orales et écrites, de ses camarades à cause de son aspect physique. Son unique refuge : la littérature et plus précisément le roman Jane Eyre, de Charlotte Brontë. Par la suite, lors d’un séjour avec sa classe, en extérieur, elle fera deux rencontres qui vont redonner des couleurs à sa vie : celle d’un renard dont le regard la bouleverse et celle de Géraldine pour qui elle a le sentiment d’exister et qui deviendra son amie.

La plume de Fanny Britt transcrit de manière subtile les tourments de l’adolescence et développe la réflexion autour de l’acceptation de soi. La mise en page, avec un jeu de cadrage et décadrage, permet de donner un effet cinétique que nous retrouvons aussi dans le choix de la taille et le rythme des images qui varient, d’une page à l’autre selon ce que l’auteur veut mettre en avant dans le récit. Le livre existe aussi en version audio.

Didier Jeunesse

Des Bleus au cartable de Muriel Zürcher est un roman pour jeunes adolescents qui a l’intérêt de montrer le harcèlement à travers trois points de vue : Lana, la victime, Ralph, le bourreau et Zélie, la témoin. La focalisation interne change à chaque chapitre, permettant au lecteur de s’identifier aux trois personnages tour à tour.

Ce livre permet donc non seulement de comprendre la situation de harcèlement du point de vue de la victime et du témoin mais aussi, et ceci est plus rare, du point de vue du bourreau. En effet, toute situation de harcèlement comporte au moins un bourreau et il est intéressant d’analyser les raisons qui poussent un enfant à devenir le bourreau d’un autre et quelles solutions existent pour faire cesser ce cercle vicieux.

Pour aller plus loin sur la question du harcèlement scolaire, de nombreuses vidéos sont disponibles sur la plate-forme éducative Lumni. Des ouvrages tels que Le Harcèlement scolaire en 100 questions permettent aussi d’apporter des réponses aux questions les plus fréquemment posées sur le harcèlement, et d’apporter des solutions.

 

 

Eléonore Cartellier, Docteur en littérature britannique, Université Grenoble Alpes (UGA) et Sylvie Farré, Doctorante en littérature, Université Grenoble Alpes (UGA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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